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LA COCHE

Sur tout le mien, malheureux, ennuyeux,
Qui sent tresbien le cœur de son Amy
Tout different du parler et des yeux.
O trop cruel et mortel ennemy,
Qui vois mon cœur languir de telle sorte,
Que ne metz tu ton espée parmy,
En m’asseurant qu’à une autre amour porte,
Et que de moy plus il ne te souvient ?
Bien tost seroye ou consolée ou morte ;
Mais je ne sçay quel malheur te retient
De m’en celer ainsi la verité,
Ou si à toy, ou si à moy il tient.
A moy ? Las non ! Amour et Charité
Ont bien gardé mon cœur de t’offenser,
Comme toy moy, sans l’avoir merité.
Je ne sceu onc nulle chose penser
Qui pour ton bien et honneur se peust faire,
Où l’on ne m’aye soudain veu avancer.
J’ay bien voulu mon ferme cours parfaire,
Et te monstrer qu’Amour leale et bonne
Tu ne sçaurois par ta faulte deffaire
De ton costé. O trop feinte personne !
Je ne sçay riens dont te puisse arguer,
Fors que ton cœur au mien plus mot ne sonne ;
De ton parler je ne voy rien muer.
Tu dis m’aymer ainsi que de coustume,
Mais par mentir (je croy) me veux tuer ;