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LA COCHE

Et tant que d’œil, bouche, pied, main ou teste,
Si que d’Amour verray, rompre ne veux
Ceste amitié prise à sa grand requeste.
Si fermes sont les lyens et les nœudz
Que, si rompuz ilz sont de son costé,
Ilz sont du mien encor entiers et neufz.
Dames, croyez qu’il m’ha bien cher cousté,
Ce faux amy, et couste et coustera,
Tant qu’à la mort cœur et corps soit bouté,
La seule mort de mon cœur ostera
L’Amour de luy, qui sans luy me demeure ;
Car autre Amour mon cœur ne goustera.
Et, qui pis est, un autre ennuy sur l’heure
M’est survenu, qui le premier augmente,
Dont je ne suis pas seule qui en pleure.
Le serviteur de ceste vraye Amante,
Qui tant long temps l’ha aymée et servie,
Qu’elle en estoit tresheureuse et contente,
En fin ha eu de la laisser envie ;
Dont de l’ennuy qu’elle en prend et ha pris
J’ay bien grand peur qu’elle abbrege sa vie.
Il lui ha dit, estant d’elle repris
Et bien enquis de sa mutation,
Qu’il est ainsi de mon Amour espris.
Moy qui sçavois sa grande affection,
Et devant qui faillir à sa maistresse
Eust craint de peur de ma correction,