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LA COCHE

M’assaillent, las ! en grand confusion.
Si m’y fault il mettre conclusion.
Je le diray, bien que le cœur m’en tremble :
Puis que leur mal est ma Mort, et leurs vies
Ma vie aussi, si j’ay receu plaisir
De leurs plaisirs, je n’ay moindre desir
Qu’en leurs malheurs de moy soient suyvies.
Or ont perdu, sans sçavoir bien pourquoy,
Leurs deux Amys, soit par faulte ou malheur ;
Mais moy je perds, sans raison ny couleur,
Celuy qui n’a jamais faulsé sa foy.
Sa loyauté est vray’ment nompareille ;
Il n’a rien fait qui jamais me despleust :
Sa grand’Amour, que chacun cercher deust,
Je laisse et fuys : n’est ce pas grand’ merveille ?
Je le tiens tel, si parfait et si bon,
Que je voudrois le mettre en trois parties,
Et si serions toutes trois bien parties,
Quand des deux parts je leur ferois le don.
L’honneste amour de parler et de voir,
Là où l’honneur trouve contentement,
Se peult partir, quand volontairement
Le bien on laisse où l’on ha tout povoir.
J’ay le povoir de bien les contenter ;
De chasque jour les deux pars je leur donne,
Et mon plaisir toutesfois n’abandonne,
Car par le leur il pourra augmenter.