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LA COCHE.

A ses souspirs defailloit son haleine.
Moy, qui la veis en si cruelle peine,
Je prins ses mains à frotter et tenir,
Tant qu’un petit je la feis revenir.
Et, en tournant son œil triste vers nous,
Nous dit : Helas ! que vostre ennuy est doux
Au prys du mien, qui ne peult plus durer !
Ce que ne peult la premiere endurer :
Vous n’avez mal (dit elle) qu’un tout seul,
C’est de laisser pour nous vostre plaisir ;
Mais j’en ay deux qui agravent mon dueil.
Las ! je n’ay pas seulement le loisir
De regretter de mon Amy la perte,
Que le second ne me vienne saisir.
Amye, helas ! si ma douleur couverte
Sentiez, qui est fondée en ignorance,
Dont ne m’est point la verité ouverte,
Vous jugeriez n’avoir point la puissance
De la porter, car elle est par trop greve.
Or Dieu vous gard de telle congnoissance !
Puis que l’honneur met à vostre amour treve,
Plaisir avez gardant la longue Foy,
Que nous devez de la rendre ainsi breve.
Si vous sçaviez aussi bien comme moy
Que c’est de vivre en doute et en suspens,
Peu vostre mal estimeriez, je croy.
S’il me disoit : D’aymer je me repens,