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LA COCHE

J’en osterois mon cœur, qui de douleur
Perpetuel en paieroit les despens.
J’estimerois à grand heur ce malheur,
Bien que ce n’est peu de despit ou honte
D’estre laissée ainsi d’un serviteur.
Le deplaisir en est tel, et tant monte,
Que d’en laisser Cent de sa volonté,
Ce n’est ennuy dont l’on deust tenir compte.
Vostre cœur est de desespoir tenté
Pour vostre Amy, c’est chose raisonnable ;
Aussi est il d’honneur bien contenté,
Rendant l’Amour de l’union louable
D’entre nous trois ; la gloire en recevez,
Qui vostre ennuy doit rendre tolerable.
Certes le mien, si bien l’appercevez,
Verrez plus grand que le vostre trois fois,
Si par saveur vous ne vous decevez.
Le moindre ennuy, dequoy compte ne fois,
C’est de fuyr le plaisir d’estre aymée
D’un treshonneste et parfait : toutesfois
L’autre ennuy est que je voy abymée
En desespoir celle que j’ayme tant,
Par celuy seul dont je suis estimée.
Le tiers ennuy trop cruel, qui pretend
Me mettre à Mort, c’est la doute craintive,
Aymant tresfort, de n’estre aymée autant.
Que dis je, autant ? mais que l’Amour naïve