Page:Marguerite de Navarre - Les Marguerites de la Marguerite des Princesses, t. 4, éd. Frank, 1873.djvu/251

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
239
LA COCHE.

L’autre son dueil, qu’un peu l’on ne m’escoute,
Puis que pour vous de bon cœur souffrir veux.
Voz maux sont grans, nulle doute n'en fais :
Vivre en suspens, sans resolution,
Par l'amy plein de toute fiction !
Mais le mien n’est pas moindre toutesfois,
Car mon amy loyal et veritable.
Où j’ay trouvé tout ce que je desire,
Me fault laisser, pour me faire en martyre
Et en malheur à vous autres semblable.
Las, si en luy sçavois rien d'imparfait,
Ou qu’envers moy en quelque cas eust tort,
Nostre lien, qui en seroit moins fort,
Sans grand douleur plus tost seroit deffait.
Mais il n’y ha occasion aucune
Entre nous deux : qui double mon tourment,
D’ainsi laisser un si parfait Amant
Pour recevoir part en vostre infortune.
S’il ne m’aymoit, il me seroit aisé
De le laisser ; ou bien si en doutance
J’estois de luy : par si grande inconstance
Mon dueil seroit doucement appaisé.
Helas ! il n’ha rien d’imperfection,
Car son corps est et son cœur sans nul vice ;
En tout honneur m’ ha fait loyal service.
Las, dure en est la separation !
Laisser celuy de qui ne suis aymée,