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Page:Marie-Victorin - Croquis laurentiens, 1920.djvu/114

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CROQUIS LAURENTIENS

cendent en droite ligne de celles que le missionnaire cueillit pour en orner son autel rustique.

Pendant que je la regarde, la bonne croix, profilée sur le fond fuyant de la falaise du Cap-à-la-Branche, j’entends parler derrière moi, et, au bout d’une minute, cinq fillettes, se tenant sous le bras, passent en folâtrant. Les rires fusent au travers du grasseyement prononcé des gens d’ici. Elles descendent à la course le petit monticule et s’arrêtent à la Croix ! Que vont-elles faire ? Je les observe du coin de l’œil. À ma surprise elles ouvrent la petite barrière à claire-voie et pénètrent dans l’enclos. Elles s’agenouillent sur la saillie des pierres brutes qui forment le très simple piédestal et, — quelque vieille coutume sans doute, — elles prient, le front appuyé sur la Croix ! J’entends le murmure alterné des « Notre Père » et des « Je vous salue Marie », et il me semble voir les prières anciennes et divines monter doucement dans les bras de la Croix qui leur font un bout de conduite sur la route bleue du ciel. Que demandent-elles là, les jeunesses de l’île-aux-Coudres ? Je fais un effort pour pénétrer la prière obscure et puissante des simples. Les mots toujours les mêmes, suggèrent invinciblement la solution victorieuse de Lacordaire au sujet de l’amour qui n’a qu’un mot, toujours redit et jamais répété. Oui ! Il y a cela ! Mais il y a autre chose aussi, et les formules, les