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Page:Marie-Victorin - Croquis laurentiens, 1920.djvu/120

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CROQUIS LAURENTIENS

faites pour cahoter sur les crans, s’avance au pas somnolent d’un bœuf, chargée de varech ruisselant arraché au rivage de « La Baleine ». Un vieux, maigre et hirsute, tient les cordeaux, et un petit gars le suit à grandes enjambées. Tous deux sont chaussés de bottes sauvages ; ils nous saluent poliment et, comme ils s’en vont, ils dérangent un veau qui s’ébroue autour d’une barouche, et font ensauver un troupeau d’oies attardées dans le foin salé.

Tout en haut du coteau la tour de pierre du vieux moulin à vent s’applique contre le ciel voisin. Bien avant que le cheval de Wolfe foulât ce rivage, les grands bras entoilés signaient l’horizon et les moulanges broyaient le blé ! Il est immobile ce soir, mais il moud encore, le vieux moulin français, et j’aperçois contre la clôture de perches le meunier qui, rêveur, fume sa pipe et regarde vers l’église.

Cette église de l’île-aux-Coudres n’a rien de très remarquable en elle-même, mais vue de loin et encadrée dans le paysage, elle prend un rôle, une signification qui émeut. Elle est menue, proprette, compacte, taillée dans le caillou des champs, et ses deux clochers carrés regardent, par-dessus l’eau noire, les Câpes Raides et le hérissement sans fin de la forêt. Entre les deux tours, le bon roi Loys, patron de la paroisse, règne sur cette terre