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CROQUIS LAURENTIENS

Il semble qu’on les entende, le soir, au montant des marées, les voix funèbres des marins et capitaines, partis si joyeux ! Sur cette plage, après deux siècles, pèse encore le souvenir de l’affreuse aventure du grand vaisseau du Roi, La Renommée, qui, chargé de la fine fleur de notre société française, s’en vint donner sur le récif, toutes voiles dehors ! Navrant défilé sous la bise de novembre des pauvres naufragés devenus égaux devant le malheur : le récollet Crespel et Bosseman le huguenot ; le beau capitaine de Fresneuse, Senneville le mousquetaire, soldats et matelots, nobles, manants, titrés, roturiers ! Dans les adoucies du vent et de la vague, on croit encore ouïr des fragments de Miserere, et l’Ite Missa est de cette émouvante messe du Saint-Esprit, dite dans la cabane d’épaves, pour choisir ceux qui allaient partir dans l’unique barque, laissant les autres sur le rivage maudit !

Il est un endroit du Reef qui m’a particulièrement frappé. C’est la Pointe-aux-Graines. Elle doit son nom à l’abondance des petits fruits d’une plante subarctique, l’airelle vigne-d’Ida, qu’on appelle partout dans le bas Saint-Laurent pommes de terre, et qu’ici l’on nomme d’une façon fort simpliste, graines.

Le travail d’exhaussement, en cet endroit, a mis à découvert d’anciennes plages où les rivages successifs sont bien marqués. Les anses, obs-