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Page:Marie-Victorin - Croquis laurentiens, 1920.djvu/146

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CROQUIS LAURENTIENS

et pour sûr, il compose déjà en imagination le charmant tableau : sa maison à lui, avec son potager et ses beaux oignons en rang, son jardinet de phlox et de géraniums derrière la petite clôture blanche ; sa cuisine, son poêle à fourneau, la boîte à bois sous l’escalier ; la huche neuve dans le coin, les chaises le long du mur, la table près de la fenêtre ouverte sur le chemin du roi. Il voit le vieux père en chemise d’étoffe, la pipe aux dents, souriant dans sa berceuse, et, bien allante au milieu de ce petit royaume, sa jeune femme alerte et rieuse !…

Gravi le coteau, commencent à poindre au loin, à travers la coupée des arbres, les beaux champs et les bâtiments clairs de la ferme de Rentilly. La vision du coin aimé, au sixième rang du Saint-Cœur-de-Marie, par delà l’étendue du Golfe, par delà les montagnes et les forêts, absorbe évidemment Jean Déry, et il ne voit plus rien, pas même les familles de chevreuils qui, une branchette aux lèvres, nous regardent passer, pas même les petits lacs laiteux et sertis d’épinettes immobiles, qui rient en dormant sous la grande lumière de l’après-midi.

Je ne reverrai plus Jean Déry, très probablement. Nos deux petits chemins qui se sont joints un instant sur la route de Sainte-Claire,