Cette réserve faite, ne faut-il pas admirer à cœur joie, comme des reliques fragiles, ces délicieux archaïsmes,
ces vieux mots qui, bien morts ailleurs, continuent
d’informer là-bas tant de belles choses
anciennes et de beautés morales révolues ! Je
plains les odieux vandales, en redingote ou en
habit, qui voudraient ravir aux Madelinots leurs
vieux mots d’Acadie, qui ne comprennent pas
que ces mots-là tiennent à l’intime de l’âme
comme l’écorce au tronc, et que, s’ils arrivaient à
détruire ce par quoi ces âmes tiennent si fortement
au passé, c’en serait fini du doux parler de France
le long des côtes de l’Atlantique. Si — ce qu’à
Dieu ne plaise ! — les Acadiens abandonnent un
jour complètement leur dialecte, je crains bien
qu’ils ne parlent plus alors que l’anglais et soient
perdus pour nous ! Je plains aussi, et plus encore,
les Madelinots — s’il y en a — qui ont honte de
leur admirable parlure et qui voudraient nous
empêcher d’entendre ces lointains échos d’un
grand siècle de gloire, passé sans retour !
Les Îles de la Madeleine ont été en grande partie peuplées par cinq familles venues de l’Île du-Prince-Édouard lors de la deuxième disper-