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Page:Marie-Victorin - Croquis laurentiens, 1920.djvu/168

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CROQUIS LAURENTIENS

sion, vers 1763. D’après la tradition orale, ces cinq malheureuses familles étaient celles de Louis Thériault, de Sylvère d’Ithurbide, de Pierre-Marie Loyseau, d’Isaac Arsenault et d’un Poirier dont on paraît ignorer le prénom. Les proscrits s’établirent d’abord sur la Grosse-Isle, la moins étendue du groupe. Le croira-t-on ? À peine étaient-ils débarqués sur ce rocher, mangeant le pain de la misère, que, comme le vautour suit la trace du sang, l’Anglais commença à arriver à son tour sur l’îlot. Habitués désormais aux humiliantes et navrantes migrations, les Acadiens quittèrent encore une fois leurs champs à peine ensemencés et leurs petites maisons de bois rond pour aller chercher sur une autre île — le Havre-aux-Maisons — le droit de ne pas entendre à toute heure la langue de leurs bourreaux. En un naïf langage qui fleure la mer et le cordage, le vieux Vital Chevari m’a narré la chose, qu’il tient de son grand-père :

— C’est sur la Grosse-Isle que les Français s’étaient mis après le Grand Dérangement. Mais les Anglais sont arrivés presque tout de suite !… Y s’mettaient ! Y s’mettaient ! Alors les Français qui savaient ce qu’était arrivé sur l’Île-Saint-Jean, ont bien vu qu’ils seraient obligés de larguer, et au bout d’un an, ils ont levé !…

Avec le temps, d’autres épaves du grand naufrage d’Acadie se sont échouées sur les Îles