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LE HAVRE-AU-BER

depuis les négociants, la banque et les médecins, jusqu’à une prison et un geôlier. Disons tout de suite cependant, pour ne pas avoir à y revenir, que le pays étant exempt d’avocats ne compte pas de criminels, que les princes de la chicane — comme les bancs de harengs — n’y font que passer durant la saison d’été, et que le paternel greffier, suivant une ancienne tradition, a bien soin d’accorder les parties en difficulté avant cette invasion périodique. Il en résulte que, s’il y a prison, il n’y a pas de prisonniers, ce qui permet au geôlier de se consacrer au service des autels — service auxiliaire s’entend — de chanter au lutrin, de faire sonner l’enclume et de pêcher comme tout le monde.

Au débarquer, on laisse à gauche un petit cap gris où de vieilles dames tiennent une pension, et l’on se trouve dans le plus pittoresque des villages de pêcheurs : cabanes à poisson minuscules et toutes pareilles — que l’on appelle ici salines, — claies de séchage où cuit au soleil le ventre ouvert des morues, vitrines de magasins bourrées de faïences et de verreries à filets d’or, et partout, dans tous les coins libres, des montagnes de quarts à maquereau.

Laissant derrière soi ces choses nouvelles que l’on se propose de revenir considérer en détail, l’on grimpe tout de suite le coteau où se disséminent les maisons des notables et les bureaux