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Page:Marie-Victorin - Croquis laurentiens, 1920.djvu/196

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CROQUIS LAURENTIENS

Le quai où s’amarre le Lady Evelyn ne ressemble pas aux autres de Pictou, car les claires syllabes françaises voltigent au-dessus des barils de maquereau et des boîtes de homard. Aux heures de départ, les baisers claquent sur les joues vermeilles, et les bonjours multipliés font au navire, sur la baie, un bout de conduite. Pendant la nuit, le bateau fait escale à Souris puis, prenant sa course vers le nord, il contourne, en tanguant follement, la Pointe-de-l’Est de la province insulaire pendant que les voyageurs sans cabine — et ils sont le nombre — assis sur les marches de l’escalier, font d’amères réflexions sur l’instabilité du… cœur humain !

Vers sept ou huit heures du matin, l’on aperçoit à tribord le premier rubis du Golfe : l’Île-d’Entrée, haute, couverte de mamelons arrondis et verdoyants, murée d’abruptes falaises de grès rouge. On nous dit qu’elle n’est habitée que par des Anglais. Le bateau ne s’y arrête pas ; il la côtoie pour contourner la longue barre de sable nu qui prolonge le bassin du Havre-au-Ber, port d’attache du Lady Evelyn.

L’Île du Havre-au-Ber — que les Anglais persistent à appeler Amherst — est le centre administratif des Îles de la Madeleine. Le long croissant de la dune y dessine le plus magnifique et le plus sûr havre de pêche. On y trouve d’ailleurs tout ce qui fait la gloire des pays civilisés,