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LE HAVRE-AUX-MAISONS

des — dites sayons dans le pays — où les Madelinots vont cueillir les plaquebières et les mocôques. Les dunes centrales sont plus ou moins couvertes de conifères nains, de genévriers souffreteux, de raisin d’ours, de corèmes et de goules noires. Celles qui bordent immédiatement le littoral sont presque dénudées, et seuls, l’élyme des sables, les pois de mer et quelques bouquets de soude en corrigent l’effrayante aridité.

Aventurés un peu loin sur la Dune-du-Sud, un ensemble de sensations nouvelles nous assaillent. L’absence d’oiseaux et d’animaux, l’air miséreux de la végétation, le sable implacable qui étouffe tout, jusqu’au bruit menu des pas, les buttereaux chauves se poursuivant comme les pas du vent sur la plage, tout cela compose une atmosphère hostile, opprimante, infiniment ! et l’on en vient à bénir comme des amis très chers, les deux ornières indistinctes, fils d’Ariane qui, dans ce désert, nous rattachent au monde habité.

À la naissance de la Dune-du-Sud, et du côté du large, se blottit sous les rochers gréseux, un poste de pêche aussi fréquenté que pittoresque. J’y suis passé par un beau dimanche ensoleillé, alors que l’îlot de la Cormorandière au loin, saillait en clair sur l’horizon de mer, et que toutes les barges et tous les bottes s’allongeaient sur le sable, comme de grands poissons ouverts et vidés. Les tables à piquer la morue, les paniers,