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LA GRANDE-ENTRÉE

revenu et qui devait redoubler quand, le lendemain, je vis mon guide, à genoux dans le sable derrière un bouquet de saules, écoutant nos discussions et prenant des notes !… Mais n’anticipons pas.

Pour des naturalistes, le Cap-de-l’Est et sa dune avaient des attraits fascinateurs. Aussi, le premier beau temps nous mit en route dans la charrette de William Chevari. Chevari (Etchevari) est un petit homme d’origine basque, un peu mélancolique, intelligent et bon, et qui nous fut un excellent guide.

Il fait clair, un peu froid. Bien en laine, nous n’y pensons pas. La Grande-Entrée, que nous traversons dans toute sa longueur, ne nous paraît pas faire les mêmes frais de coquetterie que ses sœurs de l’archipel. Est-ce une impression due à sa topographie plus sauvage ? On la dirait pillée, exploitée avec rage et sans amour, comme un bien dont on n’a que l’usufruit. En chemin nous passons à la Pointe-aux-Morses, dont l’oncle Ben nous disait merveille, hier soir, sous le nom quelque peu obscur de Sicopotte (Sea-Cow-Point) ! Des blocs de grès rouge, usés en table jusqu’au niveau de la basse mer, forment en cet endroit des échoueries fréquentées jadis par les troupeaux de morses qui hantaient le Golfe Saint-Laurent. Il appert que les boucaniers qui faisaient alors cette chasse prohibée, ancraient leurs petits voiliers dans la Baie du Cap-de-l’Est, après