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Page:Marie-Victorin - Croquis laurentiens, 1920.djvu/249

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LA GRANDE-ENTRÉE

de baie, protégés ceux-là, par on ne sait quel respect, quelle entente tacite.

Nous voici à Old Harry, anse de pêche renommée, mais difficile d’accès, entourée de masses de grès rouge tombant à pic dans les eaux. Les pêcheurs doivent hisser leurs bottes au moyen de cabestans, pour que le clapotis et les tempêtes ne les réduisent pas en aiguillettes. Le travail éternel de la mer ciseleuse sur les grès tendres, les bateaux de pêche suspendus à leur câble et qui ont l’air de grands poissons s’essayant à grimper la falaise, les montagnes de cages à homard qui blanchissent au soleil avec les crabes et les bourlicocos prisonniers dans leurs flancs, donnent à la Pointe de Old Harry un air à part, extrêmement pittoresque.

Il ne faut pas quitter l’endroit sans aller voir le trou du pialard (piailleur), un puits à ciel ouvert, d’environ deux cents pieds de diamètre, que la mer a creusé dans la roche tendre, au moyen d’un passage souterrain. Régulièrement, avec un halètement puissant de monstre essoufflé, la mer se rue dans l’étroit boyau, vient frapper comme un bélier la paroi rouge du puits, et, vaincue, se résout en une myriade de perles.

Qu’est-ce à dire ? La Beauté produit de désintégration de la Force ?… Ou la Force qui, en se brisant, libère son contenu : la Beauté ?… La Beauté qui jaillit du choc de deux Forces, peut-