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Page:Marie-Victorin - Croquis laurentiens, 1920.djvu/297

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LA CHANSON DES LIARDS

IV

Lorsque, gonflés d’ouate pérégrine, les grains de vos rosaires ont éclaté sous la pression du doigt mignon de l’été, à ce moment, liards, dans l’air traversé déjà de parfums éthérés, de pollens en goguette, de cris d’oiseaux ivres, vous libérez vos millions de minuscules aéronefs aux ailes de soie, avec la mission d’aller planter la vie énorme qui est en vous, partout : dans la plaine, au long des routes, sur la berge des rivières, sur les îlots perdus !… Et, ce grand œuvre accompli, secouant sur les pelouses l’enveloppe convulsée de vos fruits vides, repliant sur vous-mêmes toutes vos forces de vie, vous poussez hâtivement la sève pour en élargir l’orbe dentelé de vos limbes encore jeunes, et couronner votre tête royale d’un glorieux feuillage ! beaux grands vieillards toujours tremblants !…

V

Et tout l’été, pour le bonheur des oiseaux et la joie mobile de nos yeux, vous régnez sur la campagne, étrangement vivants, palpant toujours dans l’air des choses invisibles pour nous. Même quand le vent, le soir, se calme tout à fait et que l’eau des lacs, à vos pieds, s’aplanit toute, telles des âmes humaines, vos feuilles au bord du