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CROQUIS LAURENTIENS

un manœuvre lance l’amarre à son camarade déjà rendu à terre ; la passerelle s’abat et le défilé s’institue sous le geste engageant des cochers. Les piétons, conscients de leur dignité, résistent courageusement à l’invite, et se dirigent, par l’interminable trottoir, qui vers les épaisses frondaisons ou la brousse de Montréal-Sud, qui vers le pré où l’on fera dînette en famille, ou, par le raccourci de la grève, vers le fin clocher et le grand Christ priant qui flamboie, là-haut, dans la gloire du soleil clair.



Que pensez-vous de la glace ?

La même petite brise dégourdie qui soulève la page de mars sur nos calendriers, souffle sur Longueuil en vent de prophétie ! Les braves riverains qui, en temps ordinaire, ont peine, tout comme vous et moi, à parler pertinemment du présent, se mettent tout à coup à vaticiner sans broncher sur la grande préoccupation du jour : le départ prochain de la glace.

Et bon gré mal gré, il vous faut faire comme les autres. Dans les rues, dans les boutiques, dans le tramway, on vous aborde pour vous poser, avec une gravité bouffonne, l’angoissante question :

— Que pensez-vous de la glace ?