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CROQUIS LAURENTIENS

sur l’aile ouatée du soir, continuaient d’arriver jusqu’à nous…

Oh ! l’impossible rêve de prier comme ces âmes simples, et, après avoir fait le tour de tant de choses, d’arriver à dire un peu bien, son Pater !



Le rocher erratique

Il est là depuis des siècles, des centaines de siècles peut-être, au flanc du coteau herbu, non loin de la vieille grange. Abandonné par les glaciers en fuite devant le soleil plus chaud, l’énorme granit a gardé la pose de hasard qu’il avait avant l’histoire. Pour lui, les jours et les nuits ne nombrent pas. Il a vu, lentement, la terre se couvrir de verdure et de fleurs, et la forêt monter, grandir et se refermer sur lui. Sous l’ombre des grands pins qui le gardaient humide de la rosée du ciel, il accueillit les mignonnes légions des mousses, et laissa le polypode capricieux grimper sur ses flancs.

Des peuples insoupçonnés, que l’histoire ignore, l’ont frôlé, et des générations d’enfants des bois ont dormi dans le retrait de sa base ; le soleil et l’ombre lui ont dispensé l’éternelle alternance de leur insensible caresse, et, sans l’entamer, la vague tranquille des siècles a passé sur lui.