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CROQUIS LAURENTIENS

filet aux larges mailles qui la tient captive. Toute cette humanité épandue qui marche dans les champs, qui gîte sous les toits, semble d’ici tranquille, silencieuse, appliquée d’après un plan préconçu et supérieur, à tisser cette immense tapisserie pastorale. Et cependant, nous savons bien — puisque nous y étions il y a un instant à peine — que les passions éternelles y grouillent et s’y heurtent, que la haine y grimace, que l’amour y chante la divine chanson échappée au naufrage de l’Éden. Oui ! au cœur de ces maisons-joujoux qui rient sous le soleil, il y a toute la pullulation des sentiments et des chimères, des joies et des peines, des langueurs et des chagrins, des amours et des haines. Les bébés, nés d’hier, dorment dans les berceaux, les vieillards qui mourront demain, tremblent dans leurs fauteuils à bras ; les enfants, le rire aux lèvres, explorent le pays inconnu de la vie, les jeunes gens vivent pour la joie de vivre, et demandent à vieillir ; les mères besognent au grand labeur de tendresse. Au milieu de ce chaos d’âmes diverses, de ces vies montantes et descendantes, les clochers se lèvent, nombreux, dans la plaine, orientent en haut, redressent les pensées des cœurs, drainent vers la paix des sanctuaires la vie supérieure des âmes. Ah ! les clochers ! Qu’ils sont beaux d’ici, et symboliques ! Qu’ils disent donc clair et franc, la foi