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LA MONTAGNE DE BELŒIL

bouquets d’érable qui s’en vont tout doucement vers le pourpre et l’écarlate de l’automne.

Au milieu de tout cela les ormes, les beaux ormes chevelus, multiformes et magnifiques, faisant de grandes taches d’ombre maternelle sur les troupeaux. Et les cordons gris des routes, et la ligne inflexible du chemin de fer, venant tout droit de la métropole, à travers champs et bois, et où rampe de temps à autre, une longue chenille fumante !… Immédiatement à nos pieds, occupant les dernières pentes, se groupent les opulents vergers dont les fruits, l’automne venu, attirent sur les eaux du Richelieu, les goélettes d’en-bas de Québec. Mais c’est au printemps, lorsque les milliers de pommiers en fleur font penser une dernière fois à la neige disparue, qu’il faut venir ici, voir comme la terre sait se parer pour la saison d’universel hyménée.

De ce magnifique observatoire du Pain-de-Sucre, on ne se lasse pas de regarder la plaine, la plaine sans fin qui fuit en s’apetissant vers tous les coins de l’horizon. C’est la paix immense d’un beau pays béni de Dieu, où la terre est généreuse, le ciel clément, où l’homme ne se voit pas, mais se devine pourtant. C’est lui qui achève de ruiner cette incomparable forêt dont la terre laurentienne, aux âges de sa jeunesse, couvrait sa nudité. C’est lui qui a jeté sur la glèbe ainsi mise à nu, ce réseau de clôtures, ce