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LA MONTAGNE DE BELŒIL

probablement. Ces rochers, arrondis par le temps et les eaux, sont jetés les uns sur les autres, parfois dans des positions d’équilibre instable, et les quelques bouleaux livides qui y ont laissé leurs cadavres, accentuent encore la tristesse du lieu. Partout sur les rocs gris, se cramponnent, par un étroit ombilic, les larges thalles d’un étrange lichen foliacé. Revivifiés par la pluie, ou simplement par la rosée du matin, les bords relevés laissant apercevoir le noir d’encre de la face ventrale, ces singuliers et lugubres végétaux suggèrent involontairement — Dieu me pardonne ! — l’idée d’une légion de vieilles semelles de bottes clouées là par quelque facétieux Crépin préhistorique.

Surplombant cet entassement titanesque, une muraille de basalte court de l’est à l’ouest, et, d’un certain point de vue, nous présente l’illusion saisissante d’un bastion avec échauguettes et meurtrières à jour. Et même, un pin mort, amputé de ses branches et planté sur les créneaux, semble attendre la bannière ou l’étendard du maître de la montagne.

Un trou noir et presque inaccessible, sous l’abri d’un gros bloc de syénite retenu dans la pince inquiétante d’une crevasse, c’est toute la Grotte des Fées. L’ascension a tenté quelques curieux, et les insuccès répétés ont beaucoup fait pour accréditer la réputation de la grotte.