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Page:Marie-Victorin - Croquis laurentiens, 1920.djvu/73

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LE LAC DES TROIS-SAUMONS

toute l’eau bleue et toute la verdure nous appartiennent.

Pour l’instant, je suis seul à Sans-Bruit, et je descends au rivage, à quelques pas, jouir de l’ivresse du midi. Le soleil tombe d’aplomb et allume des éclairs sur les cailloux blancs. Au bout de sa chaîne, la chaloupe se balance à peine sur l’eau, où de petits frissons rapides courent, se rejoignent et meurent. Le bleu de l’eau est bien le bleu du ciel, un peu plus profond seulement. Il fait un joli vent ; autour de moi les saules, les aulnes se raidissent élégamment en leurs poses coutumières, et les jeunes érables découvrent la pâleur de leur dessous. Une libellule, portée sur l’aile de la brise, passe et repasse. En écoutant bien, je perçois la clameur assourdie faite du choc menu des choses innombrables : frémissement des millions de feuilles, petits flots qui s’écrasent sur la pierre, ardente vibration des insectes enivrés de lumière. La vie possède tout. L’homme passe à côté sans la voir, il la foule, l’écrase du talon ; il va, poursuivant quelque chimère, sans écouter la chanson énorme et vivifiante de la vieille nature.


Le Rocher Panet

La grève de la côte sud du Saint-Laurent, vers Montmagny et l’Islet manque parfois de relief.