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CROQUIS LAURENTIENS

Point de falaises ni de pointes hardies, mais une plage herbeuse où frissonne un peuple immense de zizanies et de scirpes, toujours glauques de la fine argile des marées. L’horizon est vaste vers le nord où les Laurentides courent lorsque le temps est clair. Le matin, la brume les dérobe et les noie dans l’ouate fuyante qui monte de l’eau, et la nuit tombée, on les devine aux phares illusoires que l’incendie allume toujours ici ou là à leurs flancs granitiques.

L’Islet est un très vieux village, un « bourg » comme on dit là-bas, qui dort paisiblement le long des flots tranquilles, gardé séculairement par son rocher, « l’Islette » des premiers habitants. Le « bourg » a conscience de son aristocratie et, comme les vieux seigneurs d’antan, déteste le bruit. Son quai, qui frôle « l’Islette », est généralement désert. À peine si d’aventure, une goélette vient s’y amarrer : quelques barriques descendues, quelques planches embarquées, et c’est tout.

Les l’Isletains, vieilles gens, ont force légendes, et nulle n’est mieux accréditée que celle du rocher Panet. Et d’abord, qu’est-ce donc que le rocher Panet ? C’est le pendant de « l’Islette », le sommet émergé d’une petite montagne enfouie sous la vase, que la marée entoure, et qui, dans les grandes eaux, disparaît presque. C’est vraiment peu de chose, mais ce peu de chose a sa légen-