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CROQUIS LAURENTIENS

inconnu et charmant écrit avec une plume de rossignol sur des pétales de lis ?…

Mais voyez ! Le lac, qui s’était évasé, se rétrécit soudain et nous ferme maintenant la vue. Est-ce tout ? L’Ottawa va-t-il redevenir rivière ou ruisseau ? Non pas. Deux collines couraient l’une vers l’autre ! Elles se sont heurtées presque, ne laissant qu’un étroit passage ; mais au delà c’est encore l’eau profonde, l’eau maîtresse, la nappe immense et bleue, l’horizon sans limites.

Si l’on peut appeler histoire les brèves chroniques de ces régions neuves, ce détroit est le centre historique du Témiscamingue. Oh ! une histoire simpliste qui ne parle que d’eau baptismale et de peaux de castor, un épisode si l’on veut de l’histoire de deux puissances presque partout rivales : Dieu et l’Argent. Ces deux divinités toujours en lutte, qui se partagent les cœurs des hommes, pour une fois ne se sont pas combattues mais se sont réciproquement prêtés main-forte.

À droite de la passe, achèvent de vieillir les magasins du Fort de la Compagnie de la Baie d’Hudson ; en arrière, au flanc de la colline, dans un taillis grandissant d’églantiers et d’aubépines, une grande croix marque la tombe du P. Laverlochère et le cimetière algonquin. Sur des bouts de planche vermoulus quelques inscriptions : Oma Nipa, ici dort ; Gagatnama8icik, priez pour elle.