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LE LAC TÉMISCAMINGUE

Pauvres indiens au cœur simple, dont la douce main de l’Église a fermé les yeux ! À voir la solitude et l’abandon du lieu, et l’espèce de conspiration des feuillages et des fleurs avec la pluie du ciel pour effacer ces ultimes vestiges du passé, il paraît bien que les morts aux longs cheveux noirs, qui dorment sous nos pieds dans leurs couvertures multicolores, ont enseveli avec eux l’âme de leur race. Mais la terre canadienne, maternelle à ses premiers enfants, leur a donné une sépulture splendide ! Le petit cimetière algonquin domine l’un des plus beaux paysages que l’on puisse voir « où le grandiose s’allie intimement au pittoresque » ; les corymbes blancs des aubépines et les corolles vermeilles des églantiers y épanchent silencieusement leurs petites âmes parfumées dans la langueur des soirs, et, sur les bras vétustes de la croix, fauvettes et pinsons viennent sérénader ! Oui ! c’est bien cela ! Oma Nipa ! Ici repose !

De l’autre côté de l’eau, les bâtiments en ruine de la Mission sont répandus derrière le rideau de peupliers baumiers qui tremble et chantonne tout le long de la grève. « Un silence, un recueillement qui semble imposé par quelque divinité invisible règne sur toute la nature environnante, au sein des bois assoupis, sur la croupe onduleuse des coteaux et jusque dans le balancement attentif et retenu du lac. Partout au loin, la plage est muette, baignée par les flots d’azur