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Deux autres haches.

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Vers quatre heures, au moment où un nuage blanc lamé d’or passait sur le soleil, faisant taire le gazouillis dans la cime de l’orme, on entendit un craquement sourd. Le cercle des curieux s’élargit précipitamment. Au bas, Siméon avait saisi la hache, et, fébrile, portait les derniers coups. L’immense amas de verdure s’inclina dans le ciel, lentement d’abord ; puis la chute s’accéléra et celui que les ouragans des siècles n’avaient pas ébranlé s’abattit sur le chemin et dans le champ voisin, s’y écrasa avec un bruit de tempête fait du bris des branches, du choc menu des millions de feuilles, de cris et de battement d’ailes.

Il y eut cette minute de stupeur et de silence recueilli que provoque toujours le spectacle de la grandeur tombée, puis l’on se mit à l’œuvre pour débarrasser la route. On accepta les services des voisins. Les Hamel se répandirent dans la ramure et la besogne de mort continua, acharnée. À mesure que l’ébranchage avançait, le cadavre de l’arbre devenait hideux ; dépouillées de leurs feuilles, les branches amputées dressaient contre le ciel mauve d’énormes gestes de menace.

Le soir tombait et on alla souper. Marie alluma la lampe, et comme la route ne pouvait