Page:Marie-Victorin - Récits laurentiens, 1919.djvu/31

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rester barrée pour le lendemain, jour de marché, les hommes prirent des fanaux et retournèrent à l’ouvrage. Dans la nuit qui montait sans lune et étreignait toutes choses, le bruit des haches, le grincement des godendards s’attaquant au tronc, le pas saccadé des chevaux tirant à la chaîne les énormes billes, les petites flammes qui couraient dans l’arbre, cette hâte, cet acharnement contre une chose morte et tombée, tout cela avait l’air d’un crime !…


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Un mois après, le curé de l’Ancienne-Lorette recommanda aux prières de ses paroissiens l’âme de Siméon Hamel, décédé à l’âge de soixante-dix ans. Marie le suivit de près. Ils dorment maintenant tous deux à côté des ancêtres, à l’ombre de l’église, tout au bord de l’écorre de la rivière. En vérité, l’homme et l’arbre avaient des racines communes dans la terre des Hamel !

Les humbles qui vivent tout près de la terre et n’écrivent pas, retournent à elle tout entiers. Le peu qui reste d’eux tient à la maison qu’ils ont bâtie, aux choses qu’ils ont touchées, aux sillons qui leur ont donné le pain, aux arbres qui leur ont donné l’ombrage. Aussi la disparition de l’orme a-t-elle consacré l’oubli de tous les Hamel d’autre-