Page:Marie-Victorin - Récits laurentiens, 1919.djvu/79

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Sur le renchaussage, les chaumes du blé et de l’orge montaient tout droit et au cœur des gaînes gonflées de sève, se devinait la promesse des épis. Mes clôtures étaient maintenant infimes, abolies, et le sarrasin ombrageait la remise où s’empilaient pêle-mêle charrettes et traîneaux avec quelques chevaux déclassés. Et même un pied de moutarde, au beau milieu du champ des vaches, fournissait une ombre chiche aux bonnes bêtes immobiles sous le grand soleil, et mettait un peu d’or sur la verdure du renchaussage.

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Alors, la perfide beauté des marguerites parut sur le pré. Les asters blancs et les verges d’or égayèrent la grisaille des clôtures de perches, et, avec l’aurore, on commença d’entendre la chanson métallique des faucheuses. Un beau matin, nous partîmes en grand’charrette pour la rivière Nicolet où grand-père avait des pointes et une petite grange. Grâce à ma diplomatie Fred et Willie en étaient. « La Rivière », le voyage de nos rêves, à tous trois ! Songez-y ! On allait à cinq milles, sur le bord d’une vraie rivière, dix fois large comme le grand ru’sseau avec de beaux remous, des ponts rouges, des bacs et des poissons longs comme ça ! À ces perspectives para-