Page:Marie - Gérard de Nerval, 1914.djvu/271

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lumière de Dionysos. Ce lyrisme supérieur, dont il a pressenti, dans Lohengrin et le drame wagnérien, un splendide essai nouveau, ne doit rester pour Gérard qu’une vague aspiration. Mais, pour mieux complaire à la Muse sacrée, du moins fera-t-il choix d’un mètre musical, évocateur de sens profond et de vérité ésotérique ; il le condensera en ces hermétiques sonnets, qu’il intitule, des noms de la légende éternelle, Horiis, Antéros, Ariémis^ Delfica... Chacun doit marquer une étape, noter la progression de sa « mystique ». Le sonnet qu’il appelle Vers dorés, à l’imitation du magicien de Delphes, nous apparaît tout empreint de panthéisme pythagoricien (59) :

Homme, libre penseur, te crois-tu seul pensant ?

Puis, dans la suite imitée de Jean-Paul, le Christ aux Oliviers, il revient aux assimilations théogoniques dont il a fait le magique exposé dans Isis. De ces cinq sonnets, extrayons le dernier, qui nous présente un nouvel aspect de son syncrétisme : voici maintenant le Christ, incarnation suprême des jeunes dieux "meurtris, dont le sang doit racheter le monde :

C’était bien lui, ce fou, cet insurgé sublime...
Cet Icare oublié qui remontait les cieux.
Ce Phaéton perdu sous la foudre des dieux,
Ce bel Atys meurtri que Cybèle ranime !

L’augure interrogea le flanc de la victime,
La terre s’enivrait de ce sang précieux...
L’univers étourdi penchait sur ses essieux,
Et l’Olympe un instant chancela sur l’abîme.

Réponds ! criait César à Jupiter Ammon,
Quel est ce nouveau dieu qu’on impose à la terre?
Et si ce n’est un dieu, c’est au moins un démon...

Mais l’oracle invoqué pour jamais dut se taire ;
Un seul pouvait au monde expliquer ce mystère :
— Celui qui donna l’âme aux enfans du limon.

Plus tard encore surgiront d’autres poèmes, plus impé-