Page:Marie - Gérard de Nerval, 1914.djvu/399

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Sans feu dans mon taudis, sans carreaux aux fenêtres,
Je vais trouver le joint du ciel ou de l'enfer,
Et j'ai pour l'autre monde enfin bouclé mes guêtres.
J'ai fait mon épitaphe et prends la liberté
De vous la dédier dans un sonnet stupide
Qui s'élance à l'instant du fond d'un cerveau vide...
Mouvement de coucou par le froid arrêté :
La misère a rendu ma pensée invalide !


SONNET

 
Il a vécu, tantôt gai comme un sansonnet,
Tour à tour amoureux, insoucieux et tendre,
Tantôt sombre et rêveur, comme un triste Clitandre.
Un jour, il entendit qu’à sa porte on sonnait ;

C’était la Mort. Alors, il la pria d’attendre
Qu’il eût posé le point à son dernier sonnet ;
Et puis, sans s’émouvoir, il s’en alla s’étendre
Au fond du coffre froid où son corps frissonnait.

Il était paresseux, à ce que dit l’histoire ;
Il laissait trop sécher l’encre dans l’écritoire ;
Il voulait tout savoir, mais il n’a rien connu ;

Et quand vint le moment où, las de cette vie,
Un soir d’hiver, enfin, l’âme lui fut ravie,
Il s’en alla, disant : « Pourquoi suis-je venu ? »


« Adieu, Madame, puisse ma lettre vous trouver joyeuse et contente ! Vous êtes jeune, tout est bien pour vous. J’ai la tête bourrelée d’ennuis ; vous me pardonnerez donc cette lettre, qui, pour vous, n’a sans doute pas sa raison d’être ! Prenez-la comme une énigme, et, si vous en trouvez le mot, répondez-moi que vous daignez agréer les vœux sincères que je fais pour votre bonheur. Votre dévoué serviteur : Gérard de Nerval. ^ » De cette lettre et de ces vers on ignore la destinataire : mais n’y reconnaît-on pas le ton et la grâce attristée de la lettre à la princesse de Solms ? ’ et n’est-ce pas à la gentille fée, qu’il associait naguère à sa bienfaisance, qu’il propose maintenant l’énigme dont il livrera tout à l’heure le tragique secret ?

1. Publ. par le V"> de Trcsscrve {Nouvelle Revue Inlcrnal., mai 1897). 2. Voir supra pp. 263-261.