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les forçats du mariage

que pourtant un monde nous sépare. Néanmoins j’ai envie de franchir ce monde, ces obstacles, et d’aller lui dire…

— Quoi, malheureux ?

— Que je l’aime.

Alors la nature vraiment honnête et morale de Pierre Fromont l’emporta sur son amour du sophisme. Il lui montra l’indignité d’un pareil sentiment.

— Avant de t’abandonner à un entraînement aussi coupable, ajouta-t-il, essaye au moins de lutter ; éloigne-toi. Tu viens de passer un mois dans l’isolement avec une femme charmante, mais trop naïve, trop monocorde, pour intéresser vivement ton esprit et retenir ton cœur. Puisque tu éprouves une nouvelle soif de variété, de changement, il faut tenter les distractions d’un voyage.

Il parla avec tant de conviction, que Robert, touché, lui promit de partir pour Bade sans chercher à revoir Juliette.

— Eh bien ! permets-moi à mon tour, lui dit Robert en le quittant, de te faire aussi une prédiction : Je parie ma tête qu’avant peu, tu épouseras Annette.

— C’est cela, venge-toi, dis-moi des injures.

— Cependant, si Annette le voulait absolument…

— Parbleu ! elle le veut absolument ; mais je l’ai prévenue : si nous nous marions, nous nous sépare-