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les forçats du mariage

la maisonnette du garde. Il s’avança pour entrer ; mais une femme était là qui lui barra le passage.

Il est des moments de surexcitation cérébrale où les forces morales comme les forces nerveuses semblent décuplées, où les perceptions intellectuelles et sensuelles acquièrent une acuité merveilleuse.

Malgré l’ombre du feuillage, Étienne, d’un coup d’œil, reconnut Lucette. Il vit son visage bouleversé, son air hagard ; et jusque dans l’effarement avec lequel elle barrait la porte, il devina que Juliette et Robert étaient là.

Il voulut repousser Lucette. Mais elle résista, et cria assez haut pour être entendue à l’intérieur :

— Monsieur, c’est ici la maison du garde. Éloignez-vous vite. Il achève sa ronde. S’il revenait, il ferait un malheur.

Et elle se cramponna à la clef de la porte.

Alors Étienne la prit à bras-le-corps, la souleva comme il eût fait d’un enfant, la posa à l’écart. La porte était verrouillée en dedans. D’un coup d’épaule, il l’enfonça.

La chambre dans laquelle il pénétra, n’était éclairée que par un rayon de lune, que laissait entrer la fenêtre ouverte. Il s’élança vers cette fenêtre à hauteur d’appui, regarda dans le bois ; mais il ne vit et n’entendit rien.

S’était-il trompé ? Cette femme avait-elle eu simplement peur de lui ?

Il revint auprès de Lucette, qui restait au dehors,