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les forçats du mariage

tion. Tu m’as aimée, dis-tu ; tu m’as bien aimée, c’est vrai. Peut-être même m’as-tu trop gâtée. Accorde-moi donc cette dernière prière ; car la vie sans toi me serait odieuse. Je t’en conjure, perce-moi le cœur d’un seul coup. J’aime mieux la mort que tes reproches injustes, que la vue de ta colère.

En achevant ces paroles, les sanglots l’étouffaient.

— Elle paraît sincère, se disait Étienne à haute voix, et cependant je sens qu’elle ment ; et dès qu’elle ne sera plus là, j’en serai certain.

Il allait céder, la croire encore, lorsque Juliette, devinant son hésitation, alla au-devant de ses bras prêts à s’ouvrir.

— Mon Robert ! s’écria-t-elle dans son trouble. À ce mot qui était toute une révélation, Étienne bondit comme un lion furieux.

— Ah ! enfin, j’ai une preuve, je la tiens de ta bouche. Tu t’es perdue : c’est un juste châtiment. Misérable ! misérable ! et j’allais m’attendrir une seconde fois !

Il tremblait. Sa voix s’échappait péniblement, rauque, étouffée de son gosier.

Juliette restait debout fière et triste.

— Ce nom que depuis hier vous me jetez sans cesse à la face, répliqua-t-elle, est-il surprenant qu’il soit sorti de ma bouche ? Vous êtes bien injuste, bien cruel.

— Mon Robert ! mon Robert ! répétait Étienne