Page:Marie Louise Gagneur Les Forcats du mariage 1869.djvu/276

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
270
les forçats du mariage

esprit, il crut avoir été le jouet d’un effroyable cauchemar. En si peu de temps, quel bouleversement dans son existence !

Mais quand il vit Juliette à ses côtés, le désordre de sa chambre et sa malle prête, le tout éclairé par un soleil cru et moqueur, qui lui montrait la terrible évidence, une amertume profonde l’envahit.

Ainsi tout cela était vrai : trois fois de suite, convaincu des mensonges de Juliette, il lui avait pardonné. C’en était fait de lui ! S’il n’avait pas le courage de la quitter, chaque jour ces scènes recommenceraient. Il douterait, souffrirait, pardonnerait encore : sa vie serait un enfer.

Bientôt rappelé à lui-même et un peu plus calme, voici à quel parti il s’arrêta.

Il lui répugnait de devenir un de ces maris ombrageux, tyranniques, ridicules. S’il ne pouvait continuer de souffrir ainsi, moins encore pouvait-il se résoudre à faire souffrir. Entre le rôle de bourreau et celui de victime, il eût choisi le dernier.

Enfin surtout, il voulait savoir s’il pouvait accorder sa tendresse à l’enfant qui porterait son nom. Il retarderait donc de huit jours son départ pour Rio-Janeiro. Pendant ces huit jours, il ne montrerait à Juliette aucune défiance, lui laisserait une entière liberté ; mais il la surveillerait ; et sûrement, si elle était coupable, si elle aimait Robert, elle se trahirait. Alors, il l’abandonnerait et partirait seul.