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les forçats du mariage

Quand Juliette s’éveilla, il s’excusa de nouveau, mais en termes calmes et respectueux, de ses violences de la veille, lui promit, pour expier ses torts, une confiance absolue, et lui annonça l’ajournement de leur départ.

Cependant Juliette n’entendait aucunement partir, et il fallait imaginer promptement quelque motif pour rester.

Étienne lui ayant dit qu’il s’absentait toute la journée pour le règlement de ses affaires, elle passa dans sa chambre, s’y enferma. Elle avait hâte d’écrire à Robert. D’une main fiévreuse, elle traça ces lignes :

« Ah ! mon ami ! quels événements ! quelle nuit horrible ! Il se doute. Il a voulu me tuer, se tuer lui-même, partir, me quitter ; et puis, enfin, il veut m’emmener. Où ? Au Brésil ! Robert, Robert, c’est impossible, je ne veux, je ne puis partir. Te quitter pour six mois, un an, pour toujours peut-être ! À cette pensée le vertige me prend, je n’y vois plus ; je pleure, j’étouffe, j’ai envie de crier ; car il me semble qu’on m’arrache le cœur, qu’on m’arrache la vie. Vivre loin de toi, quand je meurs de rester deux jours seulement sans te voir ; maintenant surtout que je suis jalouse ; car tes serments ne m’ont pas rassurée ! Au milieu de tous les supplices que je viens d’endurer, celui-là est encore le plus cruel.