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les forçats du mariage

nèbres, au moindre bruit palpitant tout à la fois d’espoir et de crainte.

Souvent elle l’avait attendu des nuits entières, en passant par toutes les émotions que peut ressentir une femme aimante, lorsqu’elle attend un être cher ; mais cette nuit-là, une inquiétude horrible doublait son impatience.

Il était cinq heures du matin quand Robert rentra chez lui. Il trouva Marcelle étendue tout habillée sur son lit, presque inanimée, tant elle avait souffert pendant cette nuit d’angoisse. Elle ne l’attendait plus ; elle le croyait mort.

À sa vue, elle se dressa, jeta un grand cri, s’élança vers lui.

— Monsieur Moriceau ! l’avez-vous vu ? s’écria-t-elle.

— Non, je n’ai pu passer chez lui, comme j’en avais d’abord le projet.

— Chez lui, je le sais bien ; mais ailleurs… Robert, ému par les libations de la nuit, répondit avec ce demi-sourire hébété de l’ivresse :

— Ailleurs ! où donc ? Ma foi, non ! Étienne est un bon garçon, mais peu divertissant, maintenant surtout qu’il devient jaloux de sa femme. Je suis allé chez ton amie Cora, charmante toujours, quoiqu’un peu bégueule. Puis, j’ai été retenu au cercle : j’ai joué, je perdais, je me suis entêté, la nuit passait… Eh bien ! pourquoi me regardes-tu avec ces grands yeux égarés ?