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les forçats du mariage

— Mais c’est vous, Robert, qui avez les yeux égarés ; jamais je ne vous ai vu ce singulier visage.

— Je suis un peu gris, c’est possible. On nous a servi un petit vin du Rhin qui portait à la tête. Voyons, couche-toi vite. J’y vais aussi, j’ai besoin de dormir.

— Il s’est grisé pour s’étourdir, pensait Marcelle. Vous voulez me donner le change, reprit-elle. Une provocation, peut-être un duel ! Ah ! Robert, je vous en conjure, ne vous battez pas contre cet honnête homme. J’ai tant souffert cette nuit ! songez à notre pauvre petit, qui serait orphelin, et un peu à moi aussi, qui mourrais, s’il arrivait un malheur.

— Ah çà, de quoi parles-tu ? rêves-tu ? ou si c’est moi qui suis complètement ivre ?

Il riait toujours de ce même rire qui effrayait Marcelle.

— J’ai vu M. Moriceau, moi, dit-elle lentement, en regardant fixement son mari ; il allait rue Servandoni.

Robert tressaillit.

Marcelle reprit :

— Dans l’appartement loué au nom de M. Jacques Mennesson. Vous n’y étiez donc plus ?

À ces mots, Robert se leva comme un homme qui se réveille en sursaut.

— Rue Servandoni ! Comment sait-il ? Qui lui a dit ?