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les forçats du mariage

bourdet l’affront de manquer au rendez-vous sans les prévenir ? Enfin ces 60,000 francs perdus au jeu dansaient dans son cerveau encore engourdi. De quelle manière pourrait-il réparer ces fautes et ces désastres ?

Il s’étonna de se sentir aussi calme en face de ces embarras qui lui paraissaient inextricables. Il en conclut que l’être humain est d’autant plus insouciant que son existence est plus précaire, et l’avenir, plus désespéré. Autrement, se dit-il, comment expliquer que tant de malheureux aient le courage de vivre ?

Cependant il fallait prendre un parti, quel qu’il fût : il résolut de se laisser aller à la dérive, et de suivre le cours des événements. Il se présenterait d’abord chez les Rabourdet.

Heureux de cette résolution, il déjeuna avec plus d’appétit qu’il n’avait dîné la veille, et sortit presque allègre.

À une heure, il sonnait à l’hôtel de la rue de Provence. La famille Rabourdet achevait de déjeuner.

M. Rabourdet était un parvenu dans l’acception la plus boursouflée. Il avait la majestueuse encolure et l’embonpoint des satisfaits ; sa figure, à la fois auguste et épanouie, annonçait bien l’homme arrivé au but de ses efforts. Il possédait ce qu’il appelait avec emphase « le génie des affaires. » Il avait débuté dans la carrière commerciale comme