porte un trop réel intérêt pour lui donner un mari tel que moi.
— Et vous l’avez vue souvent depuis sa sortie du couvent ?
— Mon cher Moriceau, je suis moins corrompu que je n’en ai l’air. Ayant connu Juliette tout enfant, et l’ayant vue grandir, je la regarde absolument comme ma fille.
— Vous pourriez le jurer ?
— Je le jure, affirma Robert, qui ne mentait pas absolument, car le sentiment paternel qu’il avait voué à Juliette dominait peut-être l’amour.
Le loyal Étienne ne soupçonna aucune réticence.
— Eh bien ! je consens à voir votre perle, mais à la condition que la vue ne m’engage à rien.
— Vous la verrez : je vous préviens toutefois que lorsque vous l’aurez vue, vous serez fort engagé, car vous en serez amoureux : elle est remarquablement belle.
— Cependant vous y avez résisté, vous ?
— Une barrière morale nous séparait.
— N’importe ; malgré le danger, je verrai votre protégée. Ce qui m’intéresse à elle, c’est moins cette beauté remarquable que cette enfance douloureuse, privée de toute affection. Ces dissensions de famille, ce scandale qui rejaillit nécessairement sur cette jeune fille innocente, m’attirent au lieu de m’arrêter : non pas que j’en espère de la reconnaissance ; mais il y a en moi un besoin de dévoue-