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Page:Marie Nizet - Le capitaine vampire.djvu/46

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— s’était mis en tête de le faire sénateur. Comanesco, insouciant de sa nature, laissait agir sa vaillante moitié, qui, en vue des prochaines élections, s’occupait déjà d’envoyer dans les villages voisins des tonneaux de braga, destinés à conquérir les suffrages des paysans.

Domna Rosanda était une maîtresse femme dont le pauvre boyard subissait, pour ainsi dire malgré lui, la subtile influence ; son rêve maternel était de voir ses filles briller un jour à la cour de Saint-Pétersbourg, et les sympathies avouées de la noble dame étaient devenues, tout doucement, les sympathies secrètes de son faible époux. Aussi n’était-ce pas sans un vague sentiment de plaisir que le boyard voyait circuler dans les rues de Bucharest les Cosaques aux mines farouches et les jolis hussards sanglés comme des demoiselles. Androclès, qui, comme d’autres moins naïfs, se laissait abuser par des apparences séduisantes, croyait sincèrement faire acte de patriotisme en accueillant les Russes comme des libérateurs.

Une occasion d’être agréable aux nouveaux alliés se présenta bientôt, et Comanesco n’eut garde de la laisser échapper.

Certain homme d’État de petite taille, mais d’ambition démesurée, lui avait fait entendre qu’il serait convenable qu’un habitant notable de Bucharest organisât une fête à laquelle devraient être invités les principaux officiers russes qui traverseraient la capitale. Androclès avait compris, et, sous prétexte de suivre un conseil qui n’était qu’un ordre déguisé, il livra son palais aux tapissiers et décorateurs allemands, et, huit jours plus tard, la haute société, le personnel des ambassades et les officiers russes qui traverseraient la ville se pressaient dans les vastes salons de la rue Mogosoi.