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qui parfois retentissent à côté de descriptions pittoresques et de scènes doucement émues.

Marie a dû aussi emprunter quelque chose à la muse latine. Elle doit sans doute à sa connaissance de la littérature romaine une partie de ses qualités, entre autres son goût exquis, qualité si rare au moyen-âge. Il est incontestable qu’elle savait le latin. Je n’en donnerai pour preuve que le prologue de ses lais, où elle fait allusion à un passage de Priscien[1], grammairien latin certes beaucoup moins connu que Virgile ou Horace, et que personne assurément ne s’était encore avisé de traduire, à une époque où la connaissance de l’antiquité était le privilège des clercs, et où bien des poètes avouaient leur ignorance en pareille matière. D’autre part, dans son poème du Purgatoire de Saint-Patrice, Marie cite souvent des passages d’écrivains ecclésiastiques latins, comme saint Grégoire et saint Augustin, et l’ouvrage lui-même semble être traduit du latin. Elle prétend en effet (V. 2297 sqq) l’avoir composé pour qu’il fût « entendables a laïc genz et convenables », opposant ainsi le langage vulgaire, c’est-à-dire la langue des laïques à la langue des clercs, c’est-à-dire au latin. Elle dit bien dans le prologue de ses lais qu’elle ne veut pas traduire des contes du latin, parce que c’est trop commun mais elle a pu changer d’avis ; et d’ailleurs elle déclare au commencement du poème qu’elle a eu des raisons particulières de le composer, sans s’expliquer davantage à ce sujet. Une seule chose pourrait inspirer quelques doutes, c’est ce que dit Marie dans l’épilogue de ses Fables :

Henri, dit-elle en parlant de l’Ysopet, ou recueil de fables ésopiques,

« Le translata puis en angleiz,
« Et jeo l’ai rimé en franceiz. »

  1. Voici ce passage : « Fabula est oratio ficta verisimili dispositione imaginem exhibens veritatis. Ideo autem hanc primam tradere pueris solent (oratores), quia animos eorum adhuc molles ad meliores facile vias instituunt vitæ. Usi sunt tamen ea vetustissimi auctores, etc. »