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LAI DU BISCLAVARET.

qu’il avoit à venger un méfait. Pendant la durée de la fête, il fut toujours le même. Lorsqu’elle fut achevée, les barons prirent congé pour retourner chez eux. Le chevalier que le Bisclavaret avoit assailli avec tant de raison, fut un des premiers qui s’en alla.

Il arriva peu de temps après que le roi voulut aller chasser dans la forêt où le Bisclavaret avoit été trouvé. Il suivit le prince qui séjourna dans la contrée où demeuroit son infidèle épouse ; instruite du passage du monarque, la dame s’apprête richement et demande audience pour lui faire un présent. Le prince l’octroie, et comme elle entroit dans la chambre, le Bisclavaret l’aperçoit, sans que personne puisse l’arrêter, il court sur elle, lui saute à la figure, et pour assouvir sa vengeance, il lui arrache le nez. Les courtisans le menacent et il alloit être mis en pièces, lorsqu’un philosophe prenant la parole, dit au roi : Sire, daignez m’écouter : cet animal vous accompagne sans cesse, il n’est aucun de nous qui ne le connoisse parfaitement, et qui