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LAI D’YWENEC.

Après avoir terminé ses instructions, Eudemarec donne à son amie un bliaut d’une étoffe précieuse, l’en fait revêtir, et la prie de le laisser seul. La dame désolée s’en va emportant avec elle l’anneau et l’épée qui doit un jour la venger. Elle n’étoit pas éloignée d’une demi-lieue de la ville, qu’elle entendit sonner les cloches et s’élever des cris perçants jetés par les gens du château, qui venoient de perdre leur seigneur. Par la douleur qu’elle éprouve en apprenant la mort de son ami, la dame tomba quatre fois pâmée ; et lorsque les sens lui furent revenus, elle se repose un moment dans la cabane qu’elle avoit visitée le matin ; continuant à marcher elle arriva au château de son époux, qui la laissa depuis parfaitement tranquille.

La dame accoucha d’un fils qu’elle nourrit et qu’elle nomma Ywenec. Dans le royaume on n’auroit pas trouvé son pareil en beauté, en prouesse, en courage et en générosité. Lorsqu’il eut atteint l’âge exigé, il reçut la chevalerie. Or, écoutez ce qui lui arriva dans la même année.