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LAI DU CHÈVREFEUILLE.

l’une de l’autre. Si la reine aperçoit le nom de son ami, ainsi que cela lui étoit déja arrivé, il n’y a pas de doute qu’elle ne s’arrête. Elle devineroit sur-le-champ qu’il avoit long-temps attendu pour la voir. D’ailleurs elle ne peut ignorer que Tristan ne peut vivre sans Yseult, comme Yseult ne peut vivre sans Tristan. Il vous souvient, disoit-il en lui-même, de l’arbre au pied duquel est planté du chèvrefeuille. Cet arbuste monte, s’attache et entoure les branches. Tous deux semblent devoir vivre longtemps, et rien ne paroît pouvoir les désunir. Si l’arbre vient à mourir, le chèvrefeuille éprouve sur-le-champ le même sort. Ainsi, belle amie, est-il de nous. Je ne puis vivre sans vous comme vous sans moi, et votre absence me fera périr.

La reine montée sur un palefroi arrive enfin ; le bâton sur lequel étoit écrit le nom de son ami, frappe ses regards ; elle voit le nom de Tristan qui ne peut être éloigné. Mais comment se dérober à cette suite de chevaliers qui l’accompagne ? Elle fait arrêter