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LAI DE GRAELENT

sortit avec sa femme pour se rendre à la ville et aller dîner chez un de leurs voisins. Ils avoient laissé le chevalier seul à la maison sans écuyer, sans domestique ou valet, à l’exception de leur fille, jeune personne fort aimable. À l’heure du repas, elle alla parler à Graelent, le prier de se hâter pour venir manger avec elle. Trop affligé pour prendre la moindre nourriture, le chevalier appelle son écuyer, lui commande de seller et brider son cheval de chasse et de le lui amener. J’irai me distraire dans la campagne, car je n’ai besoin de rien. Seigneur, dit l’écuyer, vous n’avez plus de selle. Ami, reprit la damoiselle, non-seulement je vous en prêterai une, mais encore je vous donnerai une bonne bride. L’écuyer va chercher le cheval qu’il revêt de ses harnois. Graelent monte et traverse la ville. La chabraque ou la couverture de son coursier consistoit en une vieille peau qui, pour avoir trop servie, étoit dans un fort mauvais état. Tous ceux qui le virent passer le huèrent et se moquèrent de lui. Telle est la coutume parmi les gens du peuple, vous n’en