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LAI DE GRAELENT

contre bien rarement. La jolie baigneuse ne vouloit pas sortir de l’eau : pour l’y forcer, le chevalier va s’emparer de ses vêtements croyant pouvoir la retenir par cette action. Les deux pucelles s’aperçoivent du dessein de Graelent et ont peur. La dame l’appelle avec colère et lui dit : Chevalier, laisse ces objets qui te rapporteroient peu de profit ; tu commettrois une bien vilaine action, si tu les emportois et me laissois aller toute nue. Rends-moi, je te prie, ma chemise ; quant au manteau, qui est très-beau, tu peux le garder pour le vendre.

Madame, répondit en riant le chevalier, pour vendre votre manteau, je ne suis pas fils de marchand ou de bourgeois ; il auroit même la valeur de deux ou trois châteaux, que je ne l’emporterois pas. Sortez de l’eau, belle amie ; voici vos vêtements, habillez-vous, et daignez venir me parler. Je ne veux pas en sortir, dit-elle ; je crains trop que vous ne vous empariez de ma personne ; je n’ai nul besoin de vos beaux discours et ne suis point de votre école. Belle dame, reprit Graelent, puisque vous ne voulez pas dé-