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LAI DE GRAELENT

peut m’aimer ni me servir loyalement. Vous connoissez le proverbe : on ne croira jamais à l’amitié de celui qui bat votre chien. Les vassaux se rendirent dans la salle destinée à prononcer les jugements ; et lorsqu’ils sont assis, ils restent long-temps sans parler, même sans proférer un seul mot. Il leur peinoit d’avoir à juger un brave chevalier. On n’avoit rien dit encore et on alloit commencer, lorsqu’un écuyer vint prier l’assemblée de suspendre la séance. Seigneurs, il arrive à la cour deux pucelles si belles, qu’on ne pourroit pas en rencontrer de semblables dans le royaume. Il faut espérer, s’il plaît à Dieu, qu’elles seront utiles au chevalier et qu’elles le délivreront. Les vassaux ont attendu volontiers l’arrivée de ces demoiselles qui étoient d’une grande beauté et richement vêtues. Un bliaud lacé faisoit ressortir l’élégance de leur taille. Elles descendent de leurs palefrois qu’elles remettent aux écuyers, puis viennent devant le roi. Sire, dit l’une, daigne m’entendre. Notre maîtresse nous a ordonné à toutes deux de nous rendre ici, pour te prier de faire ces-