Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/103

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Il priait alors, pour éviter la singularité, qu’on lui en apportât, et se contentait d’en goûter un peu.

Quelque attrait qu’il eût pour l’oraison et la contemplation, il ne laissait pas de travailler des mains jusqu’à l’heure de sexte ; mais ce travail n’interrompait pas son recueillement et son union intérieure avec Dieu. Il était, au contraire, si pénétré de sa divine présence, qu’il ne la perdait point de vue, et qu’il était obligé de tenir toujours un mouchoir pour essuyer les larmes qui coulaient de ses yeux, même en travaillant. Dieu lui en avait accordé le don précieux en si grande abondance, qu’elles lui firent tomber les cils des paupières. Ces pleurs venaient du regret de ses fautes passées, et du désir ardent avec lequel il soupirait après l’éternité bienheureuse. Le souvenir de la mort, qu’il avait aussi presque sans cesse présent, lui en fournissait encore le sujet : car, quoiqu’il aspirât après la céleste patrie par la véhémence de son amour, la sévérité des jugements de Dieu lui inspirait également une sainte frayeur ; ce qui fit dire à Théophile, patriarche d’Alexandrie, lorsqu’il était près de mourir : « Ô abbé Arsène ! que vous êtes heureux d’avoir toujours eu dans l’esprit ce redoutable moment ! »

Un ancien rapportait aussi de lui qu’il examinait deux fois le jour, le matin et le soir, s’il avait fidèlement observé ce que Dieu voulait de lui, ou s’il avait manqué de suivre sa volonté en quelque chose ; et qu’il avait passé ainsi sa vie dans l’exercice continuel d’un jugement rigoureux envers lui-même, et un sentiment habituel de pénitence ; ce que tout bon solitaire devait faire à son exemple.

Le démon, toujours ennemi des saints, le tourmenta un jour cruellement dans sa cellule, et ce ne fut pas sans doute cette seule fois. Les solitaires qui avaient accoutumé de le servir vinrent le trouver dans cette